Dimanche 8 décembre 2024. 17 heures. La Maison de la Butte à Biez fait salle comble. Le seul en scène d’Ignace Fabiani peut commencer. Depuis les rangs du public, le comédien français marche tranquillement au rythme de la vie à Kigali. Dès la première seconde, il gagne son pari. Son incarnation est parfaite. Joseph, le héros du récit qu’il nous conte, un étudiant de 24 ans, en stage pour six mois dans la capitale du Rwanda, est là, devant nous, profondément ancré, et sincère. Il nous prend par la main, avec talent, avec brio même, pour nous plonger, l’espace de 70 minutes, dans l’univers du centre Inzu où les enfants de la rue sont pris en charge.
Joseph nous conte ses pérégrinations et ses rencontres, ses étonnements et ses doutes. Il nous conte surtout le Rwanda de 2009 qui n’est plus celui du génocide de 1994. Bien qu’ils soient à jamais marqués par cette tragédie, malgré les souffrances qui persistent, les Rwandais qu’il croise sur sa route cheminent, guidés par l’espoir. L’espoir d’un avenir meilleur les fait vivre, et les rend sympathiques et vrais. C’est sans doute pour cette raison que Joseph parvient à nous brosser une galerie de personnages délicieux : Modeste, l’éducateur-gardien de nuit, toujours tiré à quatre épingles, avec qui il accroche, et Béatrice, la directrice-rescapée du génocide, enthousiaste et énergique, avec qui il s’accroche ; Innocent, en short et crocs jaunes, qui vient de terminer ses primaires à 17 ans, et Snoop, 15 ans, fan du rappeur américain, Snoop Doggy Dog, dont il rencontre la famille après des heures élastique de marche à travers les mille collines.
Mais, si le plaisir du spectateur est si intense, c’est également grâce à la mise en scène, efficace et juste, de Juan Antonio Martinez y Carrion qui sert parfaitement le texte et son auteur-interprète. Sans jamais s’imposer. Comme un coach qui accompagne son champion, sans jamais lui prendre la lumière. La marque des grands qui comprennent tout en un clin d’œil. En toute simplicité.
Écrit et interprété par Ignace Fabiani, le spectacle « Face aux collines du Rwanda » adopte donc un juste ton. Sans militantisme exacerbé. Sans outrance. Les mots qu’il fait dire à Joseph dans la langue du pays ou en français et les ambiances sonores qu’il nous fait entendre donnent à son propos une belle couleur locale. Une telle couleur qu’à l’heure où je commets ce billet, mes oreilles en restent profondément imprégnées. Imprégnées tant par les mots graves qu’il déclare solennellement que par les anecdotes drôles, parfois même cocasses, qui parsèment son discours, pour que jamais ne se brise le bel équilibre de son subtil édifice.
Mais son propos fait également sens à travers les nombreux messages qu’il nous livre. Avec délicatesse. Pour qu’ils infusent en nous si nous y sommes sensibles… Sans nous brusquer, ou presque. Les difficultés de la vie d’après, les responsabilités fuies ou assumées, les problèmes d’identité, etc. Autant de questions laissées à notre discrétion, intimes et profondes…
Comme quoi, tout est possible quand une passion inspirante parle au cœur d’un artiste talentueux et authentique…
* Un grand merci à Patricia et son compagnon pour avoir organisé cet événement de grande qualité…
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